256                         HISTOIRE DE LA TAPISSERIE
meilleur parti, d'autres scènes nous font assister à l'éducation du jeune prince et aux soins empressés dont sa mère entoure son adolescence.
Longtemps négligées et méconnues, les tapisseries d'Artémise ont repris depuis quelque temps, dans l'estime des connaisseurs, la place qui leur revient. On en a montré une bonne partie, en 1878, dans les salles de sculpture de l'exposition universelle. Il eût été impossible de trouver un cadre plus décoratif et mieux approprié à la destination de ces galet ies. Malheureusement cette suite si vantée, tant de fois remise sur le métier, nous est parvenue fort incomplète. Au lieu de soixante-six pièces, formant trois cent soixante aunes de cours, dont M. Lacordaire a constaté la fabrication, les anciens inven­taires du garde-meuble ne font mention que de cinquante-neuf panneaux. Il n'en reste plus que vingt-huit dans les magasins du mobilier national, encore appartiennent-ils à des époques diffé­rentes. Tandis que certains d'entre eux, parles détails de la bordure, se rattachent directement à l'école de Fontainebleau, sur d'autres se voient les initiales de Marie de Médicis, et l'H traversé du double sceptre de Henri IV. Ces derniers ont une apparence plus pompeuse peut-être, et cependant nous préférons de beaucoup l'harmonieuse simplicité des pièces remontant au xvi- siècle.
L'auteur de ces compositions, — qu'il se nomme Antoine Caron ou Henri Lerambert, — a-t-il connu les fameux Triomphes de Manle-gna, que l'histoire d'Artémise rappelle par certains côtés? Il est bien difficile de répondre positivement à cette question. Les scènes triom­phales, avec des chars traînés par des animaux et de longues théories de prêtres ou de femmes couronnées de fleurs, sont trop communes au xvi0 siècle pour qu'on puisse déterminer exactement la source à laquelle l'auteur des cartons doit ses inspirations. Les Triomphes de Jules Romain présentent peut-être plus d'affinités que les frises de Mantegna avec les peintures de Lerambert. Quels que soient les rapprochements que suggère la tenture tissée pour Catherine de Médicis, elle offre, dans ses détails comme dans son ensemble, les traits caractéristiques du goût français; elle nous semble donc une conception bien originale.
Le succès persistant de l'histoire d'Artémise s'explique, comme on l'a vu, tout naturellement. L'identité dans la destinée des deux veuves Catherine et Marie de Médicis y contribua sans doute pour une bonne part.